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3 questions sur l’IA dans l’éducation

Jessica Dehler Zufferey

Il y a 7 ans

Learning Innovation

formation-IntelligenceArtificiellePierre Dillenbourg, directeur de laboratoire travaillant sur l’éducation numérique et les MOOC à l’EPFL, et Jessica Dehler Zufferey, à la tête de la R&D chez Coorpacademy, partagent leur vision sur le présent et l’avenir de l’intelligence artificielle dans l’éducation. 

L’intelligence artificielle, le machine learning, le deep learning et autres sont sur toutes les lèvres. À l’évocation de ces concepts, les gens pensent généralement à des voitures autonomes, à des drones militaires ou à des médecins secondés par l’IA, plus qu’au domaine de l’éducation et de la formation. Comment voyez-vous l’éducation en tant que champ d’application de l’IA ?

Jessica Dehler : Nous voyons l’IA à la fois comme le déclencheur et la solution de la disruption à venir dans l’éducation. Elle est le déclencheur car l’IA transforme profondément le secteur de l’emploi. Selon le World Economic Forum, dès 2020 la situation de l’emploi aura déjà changé de façon significative dans la plupart des catégories d’emploi (cf. http://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_Jobs.pdf). Les robots vont bien sûr continuer à diminuer les effectifs nécessaires dans la production, mais l’impact de l’IA sur les emplois de bureau et les métiers de la connaissance sera encore plus important. Ces emplois ne vont pas simplement disparaître, mais les compétences nécessaires pour rester complémentaire à l’IA vont être très différentes. De ce fait, l’IA crée un besoin immense pour constamment mettre à jour ses compétences et se former tout au long de la vie pour assurer son employabilité.

Pierre Dillenbourg : L’IA représente une grande partie de la solution à ce défi. Aujourd’hui déjà, le machine learning améliore l’apprentissage dans de nombreux domaines. Mais cela reste moins visible et tangible que dans d’autres domaines d’application, à l’exception des robots éducatifs qui soulèvent de nombreuses craintes. On me demande souvent si les enseignants seront remplacés par des robots. Ce n’est pas notre objectif ; nous explorons des usages plus innovants. Par exemple, nous demandons à des enfants ayant des difficultés de lecture et d’écriture d’apprendre à des robots à lire et écrire, c’est-à-dire que l’enfant corrige les erreurs du robot tandis que l’IA maximise l’apprentissage de l’enfant en créant les erreurs les plus utiles (cf. http://chili.epfl.ch/cowriter). De cette façon, le robot n’est pas perçu comme un agent super intelligent et nous avons observé que l’enfant gagne en confiance en soi.

Quels sont vos projets actuels pour tirer profit du potentiel de l’IA pour l’éducation ?

Jessica Dehler : Chez Coorpacademy, nous travaillons actuellement sur le prochain niveau d’apprentissage adaptatif sur notre plateforme. Pour nous, l’apprentissage adaptatif ne signifie pas seulement le chemin d’apprentissage optimal pour un individu selon un curriculum prédéfini. Au lieu de cela, nous voulons couvrir l’intégralité du cycle d’apprentissage nécessaire pour assurer l’employabilité d’une personne. Cela signifie aider les apprenants à atteindre leurs objectifs d’apprentissage personnels et constamment leur fournir le contenu pertinent afin d’acquérir les compétences les plus récentes pour leur métier.

Pierre Dillenbourg : L’apprentissage adaptatif est un sujet auquel nous nous intéressons de très près actuellement à l’EPFL, et il est au cœur de notre collaboration avec Coorpacademy. Une thèse de doctorat actuellement en cours s’intéresse à l’équilibre optimal entre exploration et exploitation. La qualité de l’algorithme qui sélectionne les activités d’apprentissage et les morceaux de contenu dans un scénario d’apprentissage adaptatif augmente en fonction de la diversité des données injectées. Par conséquent, prendre des risques et sélectionner une étape suivante dont la valeur est inconnue pour l’utilisateur est utile (l’exploration), plutôt que de simplement choisir l’option offrant le plus de sécurité (l’exploitation). Toutefois, ceci implique que certains apprenants pourraient être exposés à une sélection sub-optimale. Toute application de l’IA soulève des questions éthiques. Nous développons un algorithme qui optimise l’évolution de l’algorithme tout en limitant les risques.

Quelles innovations basées sur l’IA peut-on s’attendre à voir émerger dans le domaine de l’éducation ?

Pierre Dillenbourg : Jusqu’à présent, l’IA a principalement été appliquée à des environnements d’apprentissage fondés sur la technologie. Une étape importante sera la généralisation de l’IA dans des contextes d’enseignement variés, y compris dans la formation traditionnelle présentielle. Prenez les systèmes de recommandation, par exemple. Aujourd’hui ils sont utilisés dans l’apprentissage en ligne, alors que demain n’importe quel programme d’enseignement universitaire pourrait être compris dans la recommandation. Cela signifie que l’IA influencera de nombreux acteurs : étudiants et enseignants mais aussi concepteurs pédagogiques et décideurs dans le domaine de l’enseignement.

Jessica Dehler : Une grande évolution dans la formation en entreprise sera l’identification des besoins en formation à partir de plusieurs sources comme les forums, le suivi des performances, les comportements de recherche, les lectures, les outils de travail, etc. D’une façon générale, travailler et apprendre seront complètement entremêlés grâce à l’IA. L’IA répertoriera les compétences nécessaires pour effectuer une tâche donnée et proposera un micro-apprentissage complémentaire au moment voulu. Et selon les compétences démontrées par un individu, l’IA pourra aider à attribuer les tâches d’une façon optimale. Ceci contribuera à l’agilité des entreprises : les évolutions métiers seront préparées efficacement et accompagnées de la formation nécessaire des employés.

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